A Séoul, peu de quartiers ont échappé à la frénésie immobilière qui hérisse la capitale coréenne depuis une dizaine d’années. Partout, jusqu’au pied des montagnes, des tours immenses de bureaux et de logements émergent du sol pour se dresser 50 étages plus haut. Les palais royaux font partis des rares endroits à avoir été épargnés par cette urbanisation brutale. En effet, en tant que monuments historiques, ils bénéficient d’un périmètre de sécurité qui les protègent de la proximité de toutes constructions imposantes et massives. Pour cette raison, ils constituent des zones de calme à Séoul loin du bruit ambiant.
C’est dans l’un de ces quartiers, à côté du palais Changdeokgung, que Park Kicheol a installé son atelier de design végétal « Taste of plant ». Ancien publicitaire, il met en scène des végétaux, des plantes, des arbustes. Il les façonne pour leur donner une forme en harmonie avec l’espace où ils seront installés. Sans les transformer radicalement, il influe sur leur développement en modulant la lumière, en jouant sur leur environnement, en utilisant des techniques de coupe, de ligature. Comme un sculpteur, les plantes sont pour lui un médium à travers lequel il peut exprimer sa vision et ses émotions.
01. Depuis quand faites-vous ce travail ?
J’ai passé mon enfance dans la ville d’Icheon dans la province de Gyeonggi. Le paysage et la nature faisaient partie intégrante de ma vie quotidienne. Quand j’ai déménagé à Séoul, la végétation m’a beaucoup manqué. De mes 20 ans à mes 29 ans j’ai travaillé dans une société de publicité en tant que rédacteur, mais j’avais déjà le projet de faire du design végétal quand j’atteindrai la trentaine.
En 2011, j’ai démissionné, puis je suis retourné vivre chez mes parents à Icheon. Dans le jardin de la maison familiale, j’ai construit une serre. Cet espace est devenu mon atelier où j’ai pu librement expérimenter et parfaire mes connaissances en botanique et en biologie pendant une année entière.
Je travaille avec les plantes sauvages, les plantes d’appartement qui ont des grandes feuilles et avec les bonsaïs. Si on considère les plantes sauvages comme le « Ying », alors les plantes d’appartement sont le « yang ». En les assemblant, je cherche à trouver une harmonie.
02. Travaillez-vous également avec des fleurs?
Les fleurs sont belles, j’adore passer du temps à observer leurs formes et leurs couleurs. Mais elles sont périssables. Je préfère les plantes qui fleurissent, se fanent et donnent des fruits. J’aime voir ce processus évoluer au fil des saisons. Dans la décoration d’un espace, la mise en place des plantes est la dernière étape. Placer une fleur ou un bouquet constitue la touche finale que je laisse au propriétaire du lieu le soin d’apporter. Je me concentre plutôt sur la structure, la forme générale.
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03. Comment avez-vous appris le jardinage ?
Je pense que la sensibilité n’est pas quelque chose que l’on apprend mais plutôt que l’on développe à travers les expressions et les pratiques personnelles. Apprendre de quelqu’un signifie que l’on reçoit l’influence de cette personne. Et inévitablement on copie son travail. Pour cette raison, je voulais apprendre tout seul à travers mes propres expériences et me concentrer sur ce qui me plaît.
04. Comment avez-vous trouvé votre atelier?
J’aime ce quartier depuis longtemps. Il est au centre de Séoul mais comme il est situé proche des palais royaux, l’environnement est calme, pas frénétique comme les autres quartiers. À l’époque où j’étais encore étudiant, j’étais obsédé par la tour de Namsan que je prenais souvent en photo. Un jour, alors que je me promenais dans ce quartier, la scène parfaite est apparue devant moi : entre deux building se dressait la tour de Namsan. Je suis tombé amoureux de ce paysage. Depuis, j’ai toujours voulu installer mon atelier à cet endroit, entre les deux buildings. J’ai donc attendu qu’un local en bas d’un des deux immeubles se libère pour pouvoir le louer. Ce qui est marrant, c’est que le building s’appelle Garden Tower.
Dans mon atelier, j’ai simplifié au maximum la décoration. Je n’ai installé que des étagères très simples et j’ai peint tous les murs en blanc comme une toile de peinture, pour mettre en valeur la ligne fluide des plantes et en révéler la beauté.
05. Quel regard portez-vous sur Séoul?
Le mot qui me vient à l’esprit quand je pense à Séoul est « frénétique ». Futile, bruyant, vulgaire, sale. Toutes ces ambiances créent Séoul. On décrit cette ville comme un miracle économique où tout s’est développé très vite. Mais pour moi Séoul est multiple. Dans cette ambiance frénétique, j’aime bien mon espace qui est au calme. J’aime les quartiers calmes et mélancoliques.